“Je n’étais pas un mercenaire”

“Je n’étais pas un mercenaire”

4 mai 2021 0 Par MARTIAL HESPEL

Arrivé à Antibes à l’été 2015, l’époque en Nationale 3, Mohamed Maziane stoppe ici une riche carrière où, avec nous, il aura regoutté un niveau Nationale 1 qui n’a aucun secret pour lui. L’occasion également de remettre les pendules à l’heure.

Momo, il y a un an, la saison on s’en souvient s’est arrêtée brutalement mais tu avais décidé de repartir pour une année de plus…

J’avais décidé d’arrêter ma carrière. J’y pensais très fortement en tout cas. Et puis les dirigeants m’ont demandé de continuer un an de plus. Et, même pour moi, c’était difficile d’arrêter de cette façon. Finalement, nous n’avons pu disputer que deux matchs. Je n’en ai aucun souvenir. Comme je suis un vieux diesel, il me faut du temps pour me mettre en route. Je n’avais pas joué les matchs amicaux et j’ai eu très peu de minutes au compteur en matchs officiels. Il y a bien entendu une très grosse frustration que ça se termine ainsi, mais c’est déjà oublié. Le handball m’a tellement apporté que je ne retiens que le positif et non pas la fin. Depuis mon malaise cardiaque de 2018, je profite au maximum sans me prendre la tête. 

L’équipe va te manquer ?


Bien entendu. J’irai voir les collègues jouer de temps en temps mais le handball c’est fini pour moi. Je veux profiter au maximum de ma famille et de mes enfants. Tout le monde a pris l’habitude de m’avoir à la maison le soir mais aussi les week-ends. Je ne me vois plus repartir dans une saison. Si jamais il y a une hécatombe de gardien, je serai là pour aider en cas de scenario catastrophe. Bien entendu que l’envie est là et que ça va me manquer. Mais j’ai désormais d’autres priorités dans la vie. 

Lorsque la saison a été suspendue après le match d’Ajaccio, avais tu des espoirs de reprise ?


Aucun. Je travaille en mairie et j’avais des bruits qui allaient dans le sens d’une très longue prolongation. Je savais que ça allait durer. Je n’avais aucun espoir de rejouer un match. D’ailleurs, je ne pensais même pas que nous aurions pu débuter un championnat. C’était une surprise. Mais très vite, c’est devenu bancale avec des équipes à quatre matchs alors que d’autres n’en étaient qu’à un ou deux. Personnellement, je n’ai pas vraiment eu l’impression de commencer une saison. C’est dommage que ça s’arrête comme ça mais l’équipe se reconstruit et c’est très bien. Moi, je tire un trait. 

Si tu avais un regret ?


Ce n’en est pas vrai un mais personnellement j’en veux à la FFBB car je n’ai pas compris pourquoi pendant si longtemps, on nous a fait croire, tout du moins donné trop d’espoir, d’une reprise. Je savais bien que, notamment, en Nationale 1, on avait mis en place ce système de demie poule qui aurait pu permettre d’organiser quelque chose de plus ou moins cohérent jusqu’en juin. Mais c’était impossible, trop dangereux. Déjà chez les pros, ça été très compliqué toute l’année, alors nous, amateurs, on n’aurait pas pu jouer en semaine et que ce soit pour les anciens ou pour les jeunes, physiquement et moralement c’est très difficile. 

Il y aurait eu des inégalités ?


Trop de disparité. Tu as des équipes qui peuvent tourner à 14, 15 ou 16 joueurs de très haut niveau et d’autres plus limitées avec 10 ou 11 joueurs de Nationale 1 et des garçons de rotations autour. Jouer un quart de saison à la va-vite sur deux mois comme ça aurait pu creuser les inégalités. Et je ne parle même pas des centres de formations qui ont pu continuer à s’entraîner normalement. Et puis tu t’entraînes la semaine et 24 heures avant tu apprends que le match entier ne se jouera pas à cause d’un cas positif ? C’est impossible ! Les pros, c’est leur boulot et encore c’est contraignant, mais nous, les amateurs, ça n’aurait pas eu de sens. 

Que retiens-tu de tes années à Antibes toi qui, il faut le rappeler, était déjà là en Nationale 3 ?


Que du plaisir. Nous avons eu un groupe super, très homogène, avec peu de changements finalement. On a su tous ensemble bien avancer dans un club sain en nous faisant plaisir. Le handball c’était une chose, mais on était là aussi pour passer de bons moments ensemble et aider le club à avancer grâce à notre expérience. Désormais, le but premier pour le club et la Présidente doit être de se stabiliser durablement en Nationale 1. Car, au final, Antibes n’a toujours pas vécu une saison entière en Nationale 1 et même si en 2019-2020 nous avions complètement remonté la pente et que nous n’étions plus dans la zone rouge, une saison complète c’est encore autre chose. Le club doit construire avec les jeunes et il va y arriver, c’est de bon augure pour la suite. 

Ton souvenir le plus fort chez nous ?


Ma première saison, la dernière en Nationale 3, . On savait de quoi nous étions capables. Et puis, on a raté notre début de saison. Le monde du sport sait être cruel et tout de suite on s’est pris des remarques de mercenaires qui ne venaient que pour l’argent. Derrière, on a enchaîné les victoires pour monter en Nationale 2 haut là main avec une vraie bande de potes, un super coach et tout le club derrière nous. Quelques années plus tard, on est encore nombreux à être là en Nationale 1. On a fermé des bouches. 

Tu avais un sentiment de revanche envers les critiques ?


Non car toute ma carrière ça été ça. Tu as toujours des gens qui vont te dire que tu vas dans un club uniquement pour l’argent. Bien entendu que ça joue, moi-même j’ai refusé des offres de jouer en Pro D2 parce que j’avais un confort de vie meilleur en Nationale 1. Mais voilà, je pense qu’on a montré à tout le monde de quoi nous étions capables et pourquoi nous étions venus à Antibes : pour rendre la confiance que les Présidents Yann Rinck, puis Françoise Petrov, ont mis en nous. Toi, tu veux te prouver à toi-même à chaque match, forcément par la même occasion tu prouves aux autres. On n’était pas venu pour rigoler mais pour jouer et gagner. Les gens ? Ils parlent. Nous, on a fait notre parcours. Je félicite la Présidente pendant toutes ces années de nous avoir fait confiance, le résultat est là. 

Le personnage qui t’a le plus marqué ?


Gilles Sanchez. J’en ai connu des entraîneurs dans ma carrière et c’est pour moi le meilleur. Il a su mettre son équipe en confiance et la souder alors que nous faisions face aux critiques. Je me souviens de son discours, avant la cinquième journée de cette fameuse saison de Nationale 3, à Istres, leader à l’époque. Le discours de Gilles m’avait blessé. Ça ne lui ressemblait pas. Il a voulu nous piquer. “Les gars je n’ai rien d’autre à vous dire que de vous faire plaisir.” Je l’ai senti défaitiste. Finalement, on a compris son message, on a gagné de dix buts pour enchaîner un total de 19 victoires il me semble. La machine est partie de là. 

N’avoir jamais joué au niveau professionnel ne te laisse pas une pointe d’amertume ?


Non du tout. Premièrement, je ne suis pas quelqu’un qui ne regarde pas le passé avec regret. Ce qui est fait et fait. Et puis j’ai vécu une belle carrière, de supers clubs, j’ai eu au moins trois propositions de clubs pros à une époque, notamment au moment où je suis arrivé à Villeneuve-Loubet. Mais j’ai fait le choix de la famille, de la stabilité et de la Côte d’Azur aussi il faut le dire. Je ne retiens que du positif de ma carrière. J’avance.